Soumis par eloise le ven 17/05/2024 - 09:10

« Il faut une tonne d’eau pour produire une bouteille de vin » nous dit Xavier Vignon. Le mot est lâché. Le nerf de la guerre, ce n’est plus le pétrole. Le carburant du futur, et du présent, c’est l’eau. Le breuvage ne sert pas seulement à la culture des jeunes plants (l’irrigation est autorisée jusqu’à 3 ans pour permettre la maturité des nouveaux pieds), il est nécessaire à chaque étape de la vinification, pour nettoyer, rincer les cuves, laver de toutes parts.

« Aujourd’hui, on a le climat du sud de l’Espagne d’il y a 25 ans. Doit-on juste s’adapter ou changer totalement de paradigme ? » Xavier Vignon pose la question et ouvre le débat mais il ne sera bientôt plus temps de palabrer. Pour la génération précédente, celle qui luttait pour avoir du degré et des raisins mûrs, obtenir 10° d’alcool à 400 mètres d’altitude, c’était inespéré. Aujourd’hui, c’est l’inverse : on tente tant bien que mal à juguler l’alcool et à rester sous la barre symbolique des 12,5°. Tentatives vaines dans 99% des cas car il n’est plus rare de friser les 15° d’alcool à Châteauneuf-du-Pape par exemple. Ironie du sort : c’est d’ailleurs la capacité de ce terroir à mûrir avant les autres, donc d’obtenir des raisins plus chargés en sucre, qui a fait la réputation du cru et l’a placé devant les autres.

Xavier Vignon brise les tabous et ne s’interdit rien. C’est la méthode de la sincérité et de la vérité. « Qu’est-ce qui interdirait de mettre du blanc dans du rouge ? Ou de varier davantage les cépages ? ». Rien. A part peut-être des a priori et des principes éculés qui érigent une tradition en recette inviolable. Mais la tradition ne reflète que le goût de son époque, elle est donc logiquement amenée à évoluer et à se réinventer au fil des ans.

« La tradition, c’est une innovation qui a réussi » a t-on coutume de dire. Alors puisque nous sommes au point de rupture, innovons ! « Châteauneuf est un terroir précoce, qui cultive 16 cépages. Mais dans la réalité, peu de cuvées comptent cette variété et bien souvent, le grenache est largement majoritaire. Or les cépages blancs permettent de rafraîchir et de modérer l’alcool ».

Reste des solutions radicales, comme la désalcoolisation. Xavier Vignon n’y croit pas. D’abord par pragmatisme : « pour désalcooliser une cuve, il faut deux fois son volume d’eau ». Par goût ensuite car jusqu’ici, les résultats ne sont pas assez convaincants et les procédés pour y arriver coûteux et complexes.

Autre point d’éclairage intéressant soulevé par le vigneron : le potassium. Cet élément est l’ennemi de l’acidité. Donc, quand on a trop de potassium parce que l’acidité baisse (en raison des épisodes de chaleur), les pH chutent et la salinité remonte. Et des vins salés, personne n’aime cela…

Le viognier, l’assertiko, la clairette, le mourvèdre, qui sont des pompes à potassium, seraient donc plus appropriés sous ces latitudes. Reste à convaincre l’INAO, à chambouler les décrets, à faire bouger les lignes…

En France, on aime le neuf mais aussi le confort de nos vieilles habitudes. Un gros coup de chaud suffira t-il ? Xavier Vignon réfléchit au sujet depuis longtemps, ce ne sera pas le dernier averti en tout cas.

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