Soumis par eloise le lun 31/10/2022 - 14:00

Depuis 25 ans, je clame haut et fort que « L’eau, c’est de l’or ». Indispensable aux cultures, la précieuse ressource l’est aussi tout au long de la vinification. Pour produire une bouteille de vin, il faut une tonne d’eau ! Un élément nécessaire qui se raréfie avec les épisodes de sécheresse et un changement climatique qui accentue les périodes chaudes voire caniculaires.

S’il reste difficile de faire tomber la pluie ou d’inverser la tendance climatique, quelques solutions se profilent, pour réduire les besoins en eau en amont et continuer de vinifier des raisins juteux, fruités, qui ne soient pas surmûris ni brûlés par le soleil, au risque de donner des vins trop élevés en alcool, aux tanins fermes et aux acidités trop basses.

Le problème du manque d’eau n’est pourtant pas nouveau. S’il apparaît plus pressant en France depuis une dizaine d’années (voire depuis 2003, année référence en termes de sécheresse), le phénomène est hélas largement connu dans l’hémisphère sud depuis des décennies. Je me souviens parfaitement de ces vignobles en Australie où les raisins poussaient sous un soleil ardent, il y près de 30 ans maintenant. À l’époque, on les montrait du doigt parce qu’ils avaient trop d’alcool dans leurs vins, une acidité trop faible, et qu’ils avaient recours à l’irrigation. Mais aujourd’hui que fait-on chez nous ? Nous rencontrons les mêmes problématiques, on a les mêmes analyses et on continue de faire du vin !

En amont, on peut jouer sur le stockage de l’eau. Les bassins de rétention ou lacs collinaires représentent-ils l’une des solutions ? Pour moi, ils déplacent le problème. Le vin, c’est 85% d’eau.

En aval, en ce qui concerne la production à proprement parler du vin, qu’en est-il de la désalcoolisation ? On peut désalcooliser, mais on utilise de l’eau ! On produit 3 fois le volume en eau potable quand on désalcoolise. On irrigue à Châteauneuf-du-Pape, on se bat pour avoir de l’eau mais c’est une vision à court terme. La viticulture demande une quantité d’eau croissante, donc s’il pleut de moins en moins, il va falloir trouver des solutions palliatives sur le moyen-long terme, d’autant que la sécheresse accentue l’évaporation et que chaque année, on bat de nouveaux records.

Il faut aller vers le nord, en altitude, réviser la sélection des terroirs en privilégiant par exemple les sols de sables. Deuxièmement, il faut privilégier des cépages à l’acidité plus haute, comme l’assyrtiko par exemple, préserver les vieilles vignes, sur-greffer et marcoter, en ne perdant pas de vue que les meilleurs terroirs d’aujourd’hui étaient les pires hier.

Enfin, il faut rester ouvert aux nouvelles pratiques et sans cesse se réinventer. Oser le mélange de blancs et de rouges, de millésimes, pour obtenir des vins digestes. Ma cuvée « Almutia Clair-Obscur » de Châteauneuf-du-Pape en est un bon exemple ; on nous dit de planter des blancs, mais dans 30 ans, ce sera peut-être l’inverse et on devra arracher des vignes. Donc on plante en noir ce qui permet de faire du rosé, du rouge et du blanc !

L’adaptation et le pragmatisme semblent être les meilleures voies d’exploration. « On doit planter plus au nord et plus en altitude. Aujourd’hui, à 800 mètres, on peut faire mûrir du raisin avec des degrés que l’on n’avait pas avant.

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