Soumis par eloise le jeu 02/05/2024 - 10:01

Il est communément admis que l’équation parfaite donne : acidité élevée = garde assurée. C’est-à-dire qu’il est de coutume de penser qu’un vin de haute acidité dans sa jeunesse pourra traverser les ans sans encombres. Si cela se vérifie à maintes reprises, l'inverse peut aussi arriver et surtout l’équation n’est pas une vérité scientifique : car l’acidité n’est en rien un critère suffisant de garde et une faible acidité n'entame en rien la longévité du vin.

Vous avez dit acidité ?
L'acidité d'un vin diminue très progressivement au cours de son vieillissement : certains acides se combinent avec les alcools, d'autres précipitent comme l'acide tartrique par exemple, sous l'action du froid. Les arômes évoluent sensiblement, le fruit frais laisse place au sous-bois, au champignon, au musc, voire au miel pour les blancs, la couleur aussi évolue, devient moins éclatante, les tanins des rouges s'arrondissent, l'amertume s'estompe. Comme les humains, les vins qui prennent un coup de vieux ne sont plus que le reflet de leur jeunesse, mais à la différence de nous, les plus grands flamboient et offrent dans leur dernier souffle l'apothéose de leur art.
Car si l'acidité est l'un des paramètres majeurs de l'évolution du vin, il n'est pas le seul. En ce qui concerne les vins rouges, les anthocyanes et les tanins contenus dans la peau des raisins favorisent la longévité du vin, aussi les rouges tanniques prennent-ils le pas en terme de garde sur des rouges légers, et sur les blancs (sauf exception bien sûr, et elles sont assez nombreuses). Pour ces derniers, les liquoreux ont aussi un avantage sur les secs.
La vinification joue aussi un rôle important, de même que l'élevage ; l'oxygène peut abîmer prématurément un vin – exception faire pour les vins jaunes ou les xerès – et l'évolution en bouteille peut être sujette à des variations plutôt malheureuses en cas de contact du vin avec l'air.

1952. Cas d’école de la Champagne.
Ce millésime est resté dans les mémoires pour avoir manqué d'acidité au démarrage. Petite année viticole, gâtée par les pluies de la fin de l'été, elle avait peu de chance de s’éterniser et de marquer les esprits. Surprise, les moûts furent superbes, les vins vineux et puissants et 1952 tint très bien la route, encore bon pied bon œil comme chez Bollinger par exemple, qui est l'année de naissance du premier RD, ou même Château Montrose, toujours très en forme lorsque je l’ai goûté plus de 60 ans plus tard. A contrario, le 1937, avec une acidité forte et un bon degré d'alcool tint lui aussi ses promesses et les vins se maintinrent longtemps. Quelques années plus tard, le 1973 est considéré comme exceptionnel, avec pourtant une faible acidité… Ce qui n'empêcha pas le Prince Charles et la Princesse Lady Diana de l'apprécier à leur mariage huit ans plus tard. Idem du 1976, superbe année, à tous points de vue, et toujours magnifique.

Sur la même idée, Cheval Blanc 1947 est l'une des bouteilles mythiques du siècle dernier : pourtant, ce fut un millésime à l'acidité relativement basse. Il est vrai que le degré d'alcool était – à l'époque – assez élevé, dépassant les 12°. A contrario, un Mouton-Rothschild 1961 ou un Figeac 1950, deux vins d'à peine 12° d'alcool, se sont très bien conservés. Cela rejoint le cas des grands rieslings allemands, qui dépassent péniblement les 11°. Jean-Luc Thunevin propriétaire de Valandraud, faisait lui-même ce constat et confessait qu'il ne savait pas précisément ce qui faisait la longévité d'un vin, un cas de figure pouvant en démentir un autre.

Toujours est-il qu'une faible acidité laisserait davantage libre cours aux attaques microbiennes et aux brettanomyces en particulier ; autrefois, notamment dans les grands millésimes, les Ph étaient plus bas. Et on peut toujours boire ces vins d'anthologie. Conclusion : qu’importe le flacon, il faut l’ouvrir, le partager et en profiter quand c’est bon ! Et n’oubliez pas une chose : il vaut toujours mieux boire un vin trop jeune que vieux.

>> A tester : Châteauneuf-du-Pape 1983.L’un des meilleurs millésimes du cru à l’époque, et toujours aussi fringant ! A sa naissance pourtant, on lui reprochait son manque d’acidité, en raison de fortes chaleurs au printemps et notamment en août. Le contre-exemple parfait.

/sites/default/files/2024-04/Photo%20%286%29.png